Un pari économique inconsidéré

Le parc d'attraction Mélofolia, projeté à Chauffaille, commune de Coussac-Bonneval (87), serait, nous dit-on, une opportunité économique pour le territoire en raison des nombreux emplois créés. Proposer des emplois à des Limousins, c'est à peu près comme demander à l'eau si elle veut dévaler la pente. Il faudrait ne pas se moquer de tous ceux qui cherchent du travail. Le projet Mélofolia est-il économiquement sérieux ?

Effets d'annonce et promesses non tenues.
À la réunion publique du 27 septembre 2015 faite à Coussac (la première et unique réunion publique en 4 ans), M. Hodiamont, à la tête de la SA Dreamgest a fait miroiter des embauches locales massives. A cette réunion, une BD promotionnelle a été distribuée, ainsi qu'un formulaire très particulier : des volontaires étaient sollicités pour
1- contribuer (bénévolement) à l'organisation par la SA Dreamgest d'un événement festif en lien avec la fête de la musique, le 25 juin 2016 à Chauffaille,
2- contribuer (bénévolement) à la promotion de la tournée en France du spectacle Piano-Plage de la SA Dreamgest prévue pour octobre 2016,
3- candidater pour un emploi dans le futur parc d'attraction de la SA Dreamgest dont l'ouverture à Chauffaille était alors prévue pour 2019.
Aux dires d'élus de la Communauté de Communes, très vite une soixantaine de formulaires ont été remis dont une cinquantaine par des Coussacois. Pas de nouvelles depuis. Rien ne s'est passé à Chauffaille en juin 2016 pour le fête de la musique, pas de tournée en France du spectacle Piano-Plage...
Le nombre d'emplois dont a parlé le promoteur a beaucoup varié depuis 2015, comme ont varié tous les chiffres annoncés sur ce projet : nombre de visiteurs, délai d'ouverture, prix d'entrée, nombre d'attractions dans le parc... Aux dernières nouvelles, ce seraient 6 emplois en 2020, 64 en 2021, 79 en 2022, 88 en 2023 et 111 en 2024. Mais c'est un pari peu crédible quand on examine sérieusement les choses.
Examiner les choses, c'est examiner si le parc est viable et c'est examiner quelles embauches il entraînerait.

Mélofolia : la foire aux chiffres.
Rappelons que ce parc devait ouvrir à Chauffaille en avril 2019, puis en juin 2021. En cet été 2021, le financement n'est visiblement pas trouvé, les demandes de permis de construire/aménager ne sont pas déposées, l'autorité environnementale n'est pas saisie, elle qui tranche après le permis de construire... et le terrain n'est qu'en promesse de vente... La SA Dreamgest fait des effets d'annonce pour appâter les investisseurs, effets d'annonce qui ont été renouvelés le 22 septembre 2019, lors de la dernière réunion publique à Coussac.

Nous avons repris les informations transcrites dans les médias belges et français de 2014 à 2019, au sujet du projet de M. Hodiamont à la tête de la SA Dreamgest. À l'association Chauffaille autrement, nous tenons à disposition ces articles pour qui souhaiterait vérifier les informations.

En Belgique, du temps où il cherchait un terrain dans la province de Namur en 2014, le promoteur voyait les choses en très grand : investissement de 100 millions d'euros, création de 100 à 300 emplois directs, 1000 emplois indirects ! Un « projet colossal » selon la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone). Il a été question d'investisseurs chinois, émiratis... En 2015 le promoteur prospecte en France, il parle d'un investissement de 65 millions d'euros... et aujourd'hui, il est question de 35 millions d'euros... 15 millions d'apport et 20 millions d'emprunt. Mais pour emprunter 20 il faut les 15, et la SA Dreamgest bat toujours la campagne pour les trouver ces 15 millions d'euros.

On parlait de 41 attractions, on en est à 35 maintenant. Il devait y avoir 6 ou 7 structures instrumentales géantes dans le parc, on n'en prévoit plus que 4 selon l'avis de concours du 20 février 2021. Au regard du projet initial, en Belgique en 2014, le Mélofolia d'aujourd'hui va bientôt faire figure de bac à sable et pourtant...

Le prix de l'entrée dans le parc une fois terminé serait d'après M. Hodiamont (L'Echo, 3 janvier 2019) de 35 à 37€ par personne ; mais, pour commencer, dès que 30% du parc serait ouvrable, on le ferait visiter pour 7 à 10€... en faisant taire grues et marteaux piqueurs à l'oeuvre sur les autres attractions en chantier, juste à côté. Merveilleux...

La SA Dreamgest table sur 150 000 visiteurs la première année d'ouverture, 400 000 dès la quatrième ou cinquième année... « Vous vous rendez compte des retombées économiques pour le territoire, c'est énorme » dit M. Boisserie sur France 3 en novembre 2018.

On navigue dans la pure fiction. À plusieurs reprises, dans la presse écrite et à la télévision régionale, les décideurs, à la suite de M. Hodiamont lui-même, ont l’audace de faire référence au Puy du Fou, pour prouver que la réussite est possible. Sauf que Mélofolia est un piètre projet, parachuté, sans ancrage local, l'opposé absolu de l'histoire du célèbre parc d'attraction vendéen.

Revenons au réel : le projet Mélofolia n'est pas viable.

L'analyse du contenu culturel de ce projet de parc montre un produit touristique indigent qui n'attirera jamais les 400 000 visiteurs escomptés, surtout avec 35 à 37 € à débourser pour y passer la journée, sans la restauration s'entend !
Tout le montage économique tient à l'affluence supposée. Si les visiteurs ne sont pas au rendez-vous, c'est la catastrophe : le parc n'est plus viable, les emplois s'envolent.
Les décideurs politiques se refusent à considérer en face la faiblesse culturelle du projet (même si en aparté, beaucoup trouvent les 7 minutes du clip Mélofolia « nunuches » voire « affligeantes ») ; or la teneur de ce type de projet est une des clés de son échec ou de son succès. Ce n'est pas en « relookant » tel ou tel point de détail que cette offre touristique aura de la consistance, elle n'en a pas. Rappelons aussi qu’elle sera en « zone rurale excentrée », mal desservie pour tant de visiteurs, à 50 km de l'aéroport de Limoges, sur des routes sinueuses qu'il faut partager avec les engins agricoles, à 20 km de l'A20... à croire que le parc servirait ensuite d'argument pour agrandir et toujours agrandir les routes ? Ce n'est pas sérieux de croire au succès économique du parc Mélofolia. Les emplois promis relèvent d'un pari complètement inconsidéré.

Et qu'en serait-il des emplois créés, à supposer qu'ils le soient ?
La SA Dreamgest parle d'une centaine d'emplois créés avec son parc d'attraction, mais elle a déjà forcément son « staff » de l'événementiel ; tous les postes intéressants sont probablement pourvus à l'avance par des personnes qui gravitent autour du projet depuis plusieurs années, en Belgique. En outre certains emplois nécessiteraient des formations spécifiques aux installations des parcs d'attraction : le recrutement ne serait pas local. Que les Coussacois ne rêvent pas trop : il ne leur resterait que quelques postes, les moins valorisants et les moins payés (nettoyage, garde, tonte des pelouses, billetterie ?...) avec une saisonnalité très forte, propre aux professions touristiques.
Enfin, il est convenu de penser que ce parc d'attraction à Coussac stimulerait d'autres activités économiques autour. Mais pourquoi ne pas penser aussi qu'il en aspirerait et qu'il en détruirait d'autres ? Si les touristes sont incités à converger sur une grosse structure clé en main, est-ce bien positif pour les propositions touristiques voisines, plus discrètes, plus subtiles, plus diffuses, dont la pertinence s'est pourtant accrue avec la crise sanitaire ?

Mélofolia n'a aucune crédibilité économique. Prétendre le contraire relève de la foi : « Il faut y croire, personne ne perd d'argent dans ce dossier » dit M. Boisserie à un Conseil de Communauté le 5 juillet 2017. En réalité, le contribuable y perd déjà de l'argent.
Il est navrant de constater les promesses non tenues. Quel crédit accorder à une entreprise qui sollicite des locaux pour trois échéances sans donner suite à quoi que ce soit pendant 6 ans ?

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